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Pas-de-Calais

À Calais, « les propositions du gouvernement sont déconnectées des réalités de vie des migrants »

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Après 25 jours éprouvants, Philippe Demeestère, aumônier du Secours Catholique du Pas-de-Calais, met un terme à la grève de la faim qu'il avait entamée pour dénoncer les violences faites aux migrants à Calais. Le prêtre jésuite renouvelle son soutien aux deux autres grévistes, Anaïs et Ludovic, qui poursuivent leur mouvement.

Alors que les tentatives de médiation ont échoué jusque-là, les organisations mobilisées sur le terrain, dont le Secours Catholique, continuent de demander l’arrêt des expulsions de campements.
 

Entretien avec Juliette Delaplace, chargée de mission « Personnes exilées sur le littoral Nord » au Secours Catholique.

 

 

Les tentatives de médiation avec les grévistes et les associations sont pour l’heure un échec. Que pense le Secours Catholique des propositions avancées par le gouvernement ?

 

Rappelons d’abord que les demandes des grévistes - à savoir la fin des expulsions de campements et des confiscations ou destructions d’affaires personnelles au moins pendant la durée de la trêve hivernale - sont très raisonnables. Et malgré tout, nous constatons que le gouvernement n’est pas prêt à changer le logiciel sécuritaire et répressif qu’il a mis en place à Calais depuis maintenant 5 ans.

Afin de lutter contre un risque d’appel d’air et de reconstitution d’une jungle - ainsi qu’il le justifie -, il met en œuvre des pratiques qui relèvent du harcèlement quotidien, en complète violation des droits fondamentaux, tel que cela a été dénoncé notamment par la Défenseure des droits ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l'homme. En refusant les demandes des grévistes, le gouvernement refuse une trêve des violences et des violations des droits humains, il refuse de réfléchir à des solutions qui passeront forcément par le respect de ces droits. On ne peut que regretter ce refus.

 

En refusant les demandes des grévistes, le gouvernement refuse une trêve des violences et des violations des droits humains.

 

Rappelons aussi que nous, associations, ne souhaitons évidemment pas que les personnes dorment dehors, et qu’une « jungle » se reconstitue. Le laisser penser est malhonnête. Nous ne faisons que le constat qu’à Calais, les personnes n’ont d’autre solution que de rester à la rue pour espérer traverser en Angleterre. Et pire, comme me le faisait remarquer une bénévole, ici à Calais, elles n’ont même plus de « dehors » où rester, expulsées en permanence de leurs campements. 

Une fois cela posé, nous estimons que les propositions du gouvernement sont largement insuffisantes et déconnectées des réalités du terrain : elles ne répondent ni à l’urgence de court terme, ni aux problématiques de long terme. Le médiateur dépêché par le gouvernement a proposé que les personnes soient prévenues en amont des évacuations et qu’un délai de trois quarts d’heure leur soit laissé pour récupérer leurs effets personnels : mais cela ne va rien changer ! Les personnes vont s’expulser d’elles-mêmes, avant de revenir. Et celles qui ne seront pas sur leurs campements au moment de l’avertissement ne seront pas au courant. C’est une proposition inopérante.

Quant à l’annonce faite d’une création d’un « sas de mise à l’abri » avant « redirection vers un hébergement pérenne en dehors de Calais » (qui demande d’être précisée dans ses modalités), elle dénote une absence de travail de fond auprès des exilés et des associations de terrain pour comprendre les enjeux de terrain et les réalités de vie de ces personnes. Car qui peut croire que l’on quitte le Soudan ou l’Érythrée pour un hébergement ? Il faut comprendre les raisons qui poussent ces personnes à rejoindre l’Angleterre. Elles le font soit parce qu’elles ont été déboutées de leur demande d’asile en France, soit parce qu’elles se retrouvent coincées dans le règlement Dublin, soit parce qu’elles ont des proches et un projet de vie là-bas.

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Quelles solutions faudrait-il mettre en œuvre ?

 

A court terme, il faut que les demandes des grévistes soient satisfaites : la suspension des expulsions et des confiscations au moins le temps de la trêve hivernale, et la reprise d’un dialogue réel entre pouvoirs publics et associations pour réfléchir à des solutions de long terme. Ces solutions de long terme sont de différents ordres : il faudrait suspendre l’application du règlement de Dublin, donner de la latitude pour l’examen des situations de certains déboutés afin de favoriser leur régularisation, et par ailleurs négocier avec nos voisins britanniques des voies d’accès légales. 

 

Pourquoi, selon vous, le gouvernement ne veut pas entendre ces demandes ?

 

Il y a plusieurs explications : le rapport de force avec la Grande-Bretagne n’est pas en notre faveur, nous sommes également dans un contexte de durcissement de la politique migratoire, sur fond d’échéances électorales, et non sur des bases de bon sens. Le gouvernement agite le spectre de l’appel d’air, ce qui empêche une réelle réflexion sur des solutions pour mettre fin à cette situation indigne pour les personnes qui la subisse.

 

C’est un changement complet de paradigme dont nous avons besoin à la frontière franco-britannique.

 

Par ailleurs, et de manière plus générale, cette politique n’est pas nouvelle. C’est la poursuite de 30 ans d’inhospitalité et de déni de réalité. C’est un changement complet de paradigme dont nous avons besoin à la frontière franco-britannique. Un début serait la fin du harcèlement et des violations des droits fondamentaux.

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Auteur et crédits
Propos recueillis par Clarisse Briot Crédit photo : ©Louis Witter / Le pictorium
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